Sommaire

Contexte

À la suite de la dépénalisation de l’aide médicale à mourir (AMM) en 2015, la Société canadienne du sang s’est associée à la Société canadienne de soins intensifs, la Société canadienne de transplantation et l’Association canadienne des infirmiers/infirmières en soins intensifs pour élaborer le document intitulé Don d’organes et de tissus après décès dans le cas de l’aide médicale à mourir et des patients conscients et aptes — document d’orientation1, publié en 2019.

Le 17 mars 2021, l’adoption du projet de loi C-7 a entraîné la modification de la législation au Canada concernant l’admissibilité, les mesures de sauvegarde, le consentement et le régime de surveillance. Ces changements apportés aux lois sur l’AMM ont nécessité que les parties prenantes prennent en compte les répercussions sur les processus de don d’organes et/ou de tissus et ont constitué une occasion d’améliorer et de mettre à jour l’actuel document d’orientation.

Objectifs et déroulement des réunions

En juin 2021 et en avril 2022, la Société canadienne du sang a réuni un groupe interdisciplinaire de spécialistes et lui a demandé de se pencher sur les modifications législatives et leurs répercussions sur le don d’organes et/ou de tissus. Un comité de planification a été constitué afin de définir le programme des réunions et de préparer la documentation que les participants devaient examiner à l’avance. Les experts invités provenaient de milieux susceptibles d’être concernés par la prise en charge d’un donneur d’organes autorisé à recourir à l’aide médicale à mourir (AMM) : soins intensifs (médecins et personnel infirmier), médecins spécialistes du don, spécialistes des domaines juridique et bioéthique, évaluateurs en AMM et prestataires d’AMM, organismes de don d’organes (ODO), chirurgiens transplantologues spécialistes de la région abdominale et chercheurs dans le domaine du don et de la greffe d’organes. Des patients qui envisagent et/ou ont consenti au don d’organes et/ou de tissus après l’AMM, ainsi que des membres de la famille qui ont soutenu des proches dans le processus de don d’organes et/ou de tissus après un décès dans le cadre de l’AMM étaient également présents. Plusieurs sociétés et organismes professionnels étaient en outre officiellement représentés : la Société canadienne de soins intensifs, l’Association canadienne des infirmiers/infirmières en soins intensifs, la Société canadienne de transplantation, le Programme de recherche en don et transplantation du Canada, la Société canadienne du sang et l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM.

Les réunions visaient les objectifs suivants :

  • Examiner les répercussions éventuelles de la perte de capacité d’un patient et de la renonciation au consentement final au don d’organes et/ou de tissus pour les patients ayant demandé l’AMM dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible (patients de la voie 1 de l’AMM).
  • Déterminer le moment opportun pour aborder les patients ayant demandé l’AMM dont la mort naturelle n’est pas raisonnable prévisible (patients de la voie 2 de l’AMM) pour obtenir leur consentement officiel au don d’organes et/ou de tissus.
  • Réfléchir aux questions émergentes, comme le don dirigé après l’AMM et le don d’organes et/ou de tissus après l’AMM à domicile.
  • Aborder les questions de la collecte de données nationales, de la formation des professionnels, des lacunes dans les connaissances et des pistes de recherche pour éclairer l’élaboration d’une stratégie pour l’avenir.

Préalablement aux réunions, les participants ont reçu de l’information utile en vue des discussions et de l’évaluation des projets de modifications de la politique. Au cours des réunions, les participants ont pu écouter des spécialistes canadiens et étrangers. En outre, des débats se sont tenus en petits groupes, en panels et en plénière.

Résultats des réunions

Selon l’information présentée et les discussions au cours des réunions, le groupe a trouvé un consensus sur les points suivants :

  • Si le patient de la voie 1 de l’AMM a lui-même donné son consentement à l’AMM et au don d’organes et/ou de tissus, mais qu’il perd la capacité de réaffirmer son consentement avant de mourir, il convient d’honorer le consentement donné et de coordonner la suite de la procédure avec le mandataire.
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  • Si le patient de la voie 1 de l’AMM a lui-même donné son consentement à l’AMM, mais qu’il perd ses capacités avant que le consentement au don d’organes et/ou de tissus ait pu être abordé, il convient d’approcher le mandataire pour 1) confirmer le consentement (donneurs inscrits ou vivant dans une province ou un territoire ayant mis en place le consentement implicite avec option de retrait), ou 2) obtenir le consentement du mandataire (patients n’ayant pas enregistré leur décision de consentement).
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  • Les ODO et les programmes de greffe devraient mettre en œuvre une politique de don dirigé après le décès pour les patients souhaitant recourir à l’AMM, dans l’esprit des pratiques et principes du don dirigé de leur vivant. Les principes suivants ont été jugés appropriés pour orienter le don dirigé après le décès dans le cas de l’AMM :
    • Généralités
      • Le don de son vivant ne doit pas être offert ni encouragé chez les patients qui envisagent l’AMM ou l’arrêt des traitements de maintien des fonctions vitales (TMFV).
      • Les demandes de don dirigé après le décès doivent être étudiées au cas par cas.
      • L’évaluation de l’admissibilité à l’AMM doit être effectuée avant d’aborder la question du don d’organes et/ou de tissus, et l’admissibilité au don d’organes et/ou de tissus doit être établie avant toute discussion sur le don dirigé après le décès.
    • Demande de don dirigé formulée par le patient
      • La demande de don dirigé après le décès dans le cas de l’AMM doit venir du patient lui-même.
      • Il convient de ne pas procéder au don dirigé s’il y a la moindre indication d’un échange monétaire ou d’une contrepartie de valeur similaire et/ou de coercition dans la décision d’effectuer un don dirigé.
      • Le receveur désigné doit être un membre de la famille ou un « ami proche », une personne avec laquelle le donneur ou sa famille entretient une relation affective de longue date. Cette pratique rejoint la procédure de don d’organes de son vivant, dans le cadre de laquelle le receveur prévu est le plus souvent très proche du donneur.
    • Consentement
      • Le consentement au don dirigé après l’AMM ne sera pas honoré si le patient et/ou son mandataire impose des conditions quant au groupe, à la classe ou à l’organisation dont le receveur devrait faire partie si le don prévu ne peut pas avoir lieu (p. ex. les organes ne seront pas donnés pour des personnes ayant des antécédents de toxicomanie ou d’alcoolisme, ou appartenant à certains groupes ethniques).
      • Conformément à ce que recommande le document d’orientation actuellement en vigueur au Canada, il faut informer le patient, et s’assurer qu’il comprend bien, qu’il peut retirer son consentement à l’AMM ou au don en tout temps et que le retrait de son consentement au don n’a pas d’incidence sur son consentement ou son accès à l’AMM ou à l’arrêt des TMFV.  
    • Admissibilité du receveur désigné
      • Le receveur désigné doit se trouver sur la liste d’attente de greffe ou répondre aux critères suivants :
        • il satisfait aux critères d’inscription sur la liste d’un programme de greffe;
        • il a effectué la préparation préalable à la greffe d’organe;
        • la greffe est indiquée sur le plan clinique et le receveur désigné a déjà subi les évaluations correspondantes, ce que peut confirmer le programme de greffe pertinent.
      • Bien que le don dirigé après l’AMM puisse conduire à une meilleure compatibilité entre le donneur et le receveur désigné, par rapport à un autre receveur non apparenté, la priorité sera accordée au receveur qui a le plus besoin de l’organe.  
      • La greffe n’aura lieu que si l’organe du donneur est médicalement compatible avec le receveur désigné.
      • Il faut informer le receveur désigné, et s’assurer qu’il comprend bien, qu’il peut retirer son consentement à la greffe en tout temps et que le retrait de son consentement n’a pas d’incidence sur sa position sur la liste d’attente.
  • Un consensus a été trouvé en faveur de la démarche consistant à signaler les patients de la voie 2 de l’AMM aux ODO avant la confirmation de l’admissibilité à l’AMM si le patient a demandé des renseignements, aux fins du partage d’information. Sinon, les participants se sont dits favorables à l’idée d’aborder les patients de la voie 2 de l’AMM pour obtenir leur consentement au don d’organes et/ou de tissus après la confirmation de leur admissibilité à l’AMM. L’approche et l’obtention du consentement peuvent se dérouler pendant ou après la période d’évaluation obligatoire de 90 jours établie comme mesure de sauvegarde.
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Graphique 3
  • Les participants ont estimé dans leur majorité (88 %) que le Canada devrait autoriser le don d’organes et/ou de tissus après l’AMM à domicile. Ils ont toutefois exprimé une grande incertitude quant à la logistique nécessaire et à la faisabilité de cette procédure dans la plupart des provinces et territoires.
  • De l’avis général, la collecte de données relatives au don d’organes et/ou de tissus après l’AMM et la production de rapports correspondants constituent un aspect important de la mesure du rendement et sont nécessaires à l’amélioration continue et à l’élaboration de stratégies pour l’avenir. Voici quelques éléments de données à recueillir :
    • Nombre de patients ayant demandé l’AMM signalés pour le don d’organes et/ou de tissus
    • Nombre de patients ayant demandé l’AMM, signalés pour le don d’organes et/ou de tissus et admissibles
    • Nombre de patients ayant demandé l’AMM, signalés pour le don d’organes et/ou de tissus et approchés à ce sujet
    • Nombre de patients ayant demandé l’AMM et consenti au don d’organes et/ou de tissus
    • Nombre d’organes utilisés provenant de donneurs ayant eu recours à l’AMM
    • Nombre de dons de tissus utilisés provenant de donneurs ayant eu recours à l’AMM
    • Nombre moyen d’organes transplantés par donneur ayant eu recours à l’AMM
  • Les participants des réunions se sont accordés sur le fait que les professionnels de la santé participant au don d’organes et/ou de tissus après l’AMM requièrent une formation spécialisée.
  • Il convient de déterminer les principales lacunes dans les connaissances et les pistes de recherche.

Prochaines étapes

Outre le présent rapport complet des réunions, une revue spécialisée utilisera l’information mise en avant durant ces forums pour informer les parties prenantes canadiennes du travail accompli et orienter les futurs efforts.

Les résultats présentés dans ce rapport pourraient permettre de rédiger un document d’orientation sur le don d’organes et/ou de tissus après l’AMM à domicile. Toutefois, d’autres travaux sont nécessaires pour évaluer le potentiel d’un cadre médical, juridique et éthique, notamment en termes de faisabilité et de logistique, pour le don d’organes dans le contexte de l’AMM à domicile au Canada.

En collaboration avec les parties prenantes, la Société canadienne du sang établira une stratégie visant à améliorer les pratiques de don d’organes et/ou de tissus après l’AMM (y compris le don dirigé), la collecte de données et la production de rapports, ainsi que la formation pour les personnes amenées à intervenir dans ces cas complexes. Par ailleurs, elle communiquera aux cliniciens-chercheurs exerçant dans le domaine les lacunes repérées dans les connaissances ainsi que les pistes de recherche identifiées dans l’espoir de pallier certains de ces écueils.


Remerciements

Nous souhaitons remercier tout particulièrement Nicole Riese, Sandra Wadsworth, Randy Tresidder et Donna Wonnick, nos patients et familles de donneurs partenaires qui nous ont fait part de leur expérience avec une grande transparence tout au long des réunions. Leurs perspectives ont permis de garder les réunions bien centrées sur leur objectif principal, c’est-à-dire fournir des soins de fin de vie de qualité et des options de don d’organes et/ou de tissus aux patients mourants tout en protégeant leurs intérêts, en plus de soutenir les familles endeuillées et d’améliorer les possibilités de greffe pour les patients en attente d’un organe.

 

Divulgations

Les réunions ont reçu l’appui financier de la Société canadienne du sang grâce à une contribution financière de Santé Canada pour soutenir le développement de bonnes pratiques.

 

La Société canadienne du sang reçoit son financement des ministères de la Santé des provinces et des territoires ainsi que du gouvernement fédéral, par l’entremise de Santé Canada. Les opinions exprimées dans le présent document ne reflètent pas nécessairement le point de vue des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada. La Société canadienne du sang est un organisme de bienfaisance national sans but lucratif qui gère l’approvisionnement en sang et en produits sanguins dans l’ensemble des provinces et territoires du Canada (à l’exception du Québec) et supervise le Registre de donneurs de cellules souches. Depuis 2008, elle est responsable des activités nationales liées au don et à la greffe d’organes et de tissus (DGOT), ce qui inclut la mise sur pied d’un système national et la gestion des programmes interprovinciaux de partage d’organes. Elle ne s’occupe pas de la gestion ni du financement des organismes canadiens de don d’organes ou des programmes de greffe.

 


Le rapport complet du forum en format .pdf est disponible sur demande en anglais et en français. Les demandes pdf peuvent être envoyées à OTDT@blood.ca