Auteure : Aditi Khandelwal, MDCM, FRCPC
Date de publication : Mai 2021
Aujourd’hui, la transfusion sanguine est un élément crucial de la prise en charge médicale. Pour garantir la durabilité de l’approvisionnement en sang, il est essentiel de disposer d’un système d’approvisionnement résilient et capable de résister à des crises généralisées, comme les pandémies.1 Ces désastres qui s’installent sur la durée ont de profondes répercussions sur l’approvisionnement en composants labiles (globules rouges, plaquettes, plasma) et non labiles (immunoglobulines). Même si le SARS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19, n’est pas transmissible par le sang (voir le document COVID-19 : FAQ pour les professionnels de la santé manipulant des produits sanguins de la Société canadienne du sang), la COVID-19, elle, a eu des conséquences sur l’admissibilité des donneurs, ainsi que sur leur disponibilité et celle du personnel formé au prélèvement et à la fabrication de produits sanguins.2,3
Les donneurs sont la clé de voûte du système d’approvisionnement en sang. Leurs généreux dons permettent en effet d’aider les personnes qui ont besoin de composants sanguins labiles partout au pays. Il existe différents types de dons (sang total, plasma d’aphérèse ou plaquettes, organes et tissus, cellules souches et sang de cordon). Toutefois, dans le présent document, nous examinerons les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les dons de sang total uniquement. Pour en savoir plus sur la façon dont les dons de sang sont séparés en différents composants cellulaires (globules rouges et plaquettes) et plasmatiques, consultez le chapitre 2 du Guide de la pratique transfusionnelle de la Société canadienne du sang.
Au cours de la première vague de COVID-19, des protocoles sanitaires renforcés ont été mis en place dans les centres de donneurs. Les collectes de sang communautaires ont été annulées par crainte des risques de contamination et en raison des difficultés logistiques et du temps nécessaire pour appliquer les mesures sanitaires. La désinfection accrue, la distanciation physique et les postes de contrôle sanitaire ont fait diminuer la fréquentation par les donneurs. Par souci de sécurité et pour faciliter l’application des mesures sanitaires imposées, les dons spontanés ont été éliminés et il est devenu obligatoire de prendre un rendez-vous.
Entre février 2020 et mai 2020, nous avons observé une diminution des activités de collecte, qui s’explique à la fois par la baisse de la fréquentation par les donneurs et par une diminution de la capacité de prélèvement. Avant la pandémie, les centres de donneurs accueillaient plus de 70 000 donneurs par mois. En mai 2020, seuls 54 738 donneurs se sont rendus dans un centre de donneurs, tandis qu’en décembre 2020, nous étions revenus à une solide fréquentation, avec 72 853 donneurs (figure 1). Cela correspondait à une diminution du nombre total de dons de sang : de près de 200 000 prélèvements de sang total par trimestre avant la pandémie, nous avons atteint le point le plus bas au deuxième trimestre 2020, avec 160 000 prélèvements environ. Au quatrième trimestre 2020, le nombre de prélèvements sanguins s’est amélioré, approchant presque les niveaux d’avant la pandémie avec plus de 190 000 prélèvements.5
Figure 1: Nombre de donneurs de sang total par mois en 2020 dans les centres permanents (n = 34) et les centres mobiles (n = 480).
En moyenne au début de la pandémie, 58 % seulement des rendez-vous disponibles ont été attribués. Des efforts ont alors été faits pour améliorer le recrutement, avec notamment des appels téléphoniques directs aux donneurs et des messages d’intérêt public passés par de grands dirigeants, comme le premier ministre Justin Trudeau. Au mois de décembre 2020, la fréquentation s’était améliorée et 79 % des rendez-vous disponibles avaient été attribués.
Nous avons observé des différences géographiques très claires dans la proportion de rendez-vous attribués. Au début, dans les centres urbains, grands ou petits, plus de 40 % des rendez-vous étaient attribués. En décembre, le pourcentage de rendez-vous disponibles était plus élevé dans les villes les plus touchées par la COVID-19. Par exemple, à Toronto, une des villes affichant le plus grand nombre de cas de COVID-19, le pourcentage de rendez-vous disponibles avait atteint 51,5 % en février 2020, avant de diminuer à 39,2 % en décembre 2020 (figure 2); tandis qu’à Calgary, Edmonton et Vancouver, il avait diminué jusqu’à atteindre moins de 20 % en décembre 2020.
Figure 2: Pourcentage de rendez-vous disponibles dans quatre grandes villes canadiennes.
Pendant la pandémie, la Société canadienne du sang a modifié ses opérations pour organiser davantage de collectes de sang dans ses centres permanents. À l’échelle du Canada, elle possède 34 centres de collecte permanents et 480 centres mobiles pour la collecte de sang total. Avant la pandémie, 52 % du sang prélevé l’était dans des centres permanents.4 Sur le plan logistique, ces derniers présentent en effet moins de difficultés en ce qui concerne le bon déroulement des collectes, le transport et l’application des mesures sanitaires. Conséquence directe de la pandémie, 2 248 collectes ont été annulées, dont une grande majorité de collectes mobiles (figure 3). En décembre 2020, 69 % du sang était prélevé dans des centres permanents.5
Figure 3: Collectes de sang total confirmées ou annulées dans des centres mobiles pendant la pandémie.
Au Canada, la collecte, la fabrication et la distribution de produits sanguins sont assurées par deux organisations : la Société canadienne du sang et Héma-Québec. Sans but lucratif et non gouvernementales, elles sont financées par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et réglementées par Santé Canada. Pour avoir une vue d’ensemble du processus de sélection des donneurs, consultez le chapitre 6 du Guide de la pratique transfusionnelle de la Société canadienne du sang.
La Société canadienne du sang et Héma-Québec ont toutes deux adapté leurs politiques de sélection des donneurs et ont limité les interactions entre les donneurs et les employés de première ligne dans les collectes. Des postes de contrôle sanitaire ont été installés à l’entrée des centres de donneurs, notamment pour prendre la température des donneurs, tandis que l’obligation de mesurer la pression artérielle a été levée pour limiter les contacts rapprochés avec les employés de première ligne.5
Les principaux changements apportés aux critères de sélection des donneurs pendant la pandémie sont décrits dans le tableau 1. En réduisant le taux d’hémoglobine minimal acceptable pour un don de 125 g/l à 120 g/l pour les femmes et de 130 g/l à 125 g/l pour les hommes, la non-admissibilité au don pour cause d’anémie (faible taux d’hémoglobine) est passée de 3,4 % (janvier 2020) à 1,7 % (août 2020) de façon générale, avec une diminution considérable de la non-admissibilité des femmes (de 6,1 % environ en janvier 2020 à 2,7 % en août 2020 lorsque ce critère a été appliqué). Cela a permis d’autoriser 1 000 femmes de plus par mois à faire un don. En octobre 2020, les critères relatifs au taux d’hémoglobine sont revenus à ceux d’avant la pandémie, car aucune pénurie de produits labiles n’avait été observée. Pour en savoir plus sur l’importance du fer chez les donneurs de sang total, consultez le document Importance du fer chez les donneurs de sang total : la perspective canadienne, publié par la Société canadienne du sang.
En réduisant la période de non-admissibilité au don des personnes ayant voyagé dans des régions endémiques au paludisme, nous avons pu réduire de 3 % (de 6,1 % à 3,1 %) la non-admissibilité des donneurs, et ainsi obtenir près de 2 000 dons de plus par mois. Les changements apportés aux critères liés aux voyages nécessiteront certainement un examen minutieux lorsque les taux de vaccination auront augmenté et que les interdictions de voyager seront levées.
Tableau 1 : Principaux changements apportés aux critères clés de sélection des donneurs en 2020
Critères | Avant la pandémie | Pendant la pandémie |
---|---|---|
Taux d’hémoglobine |
|
|
Voyages |
|
|
Vaccination contre la COVID-19 | s. o. | Aucune exclusion requise |
COVID-19 | s. o. |
|
En résumé, les donneurs ont fait preuve d’un engagement sans faille pendant la pandémie. Les centres de donneurs se sont adaptés aux mesures sanitaires imposées et sont restés des lieux sûrs pour les collectes. Le système d’approvisionnement en sang canadien a ainsi démontré qu’il était résilient et capable de répondre aux besoins des patients.
Khandelwal A., Répercussions de la COVID-19 sur le don de sang au Canada [Internet], Ottawa, Société canadienne du sang; 2021. Consulté le [JJ mois AAAA]. Disponible sur le Web : https://professionaleducation.blood.ca/fr/transfusion/publications/repercussions-de-la-covid-19-sur-le-don-de-sang-au-canada
1. Mulcahy AW, Kapinos KA, Briscombe B, et al. Towards a sustainable blood supply in the United States: An analysis of the current system and alternatives for the future. RAND Corporation. 2016: Santa Monica - Chapters 7 and 9.
2. Yazer MH, Jackson B, Pagano M, et al. Vox Sanguinis International forum on hospital transfusion services’ response to COVID-19: Responses. Vox Sang. 2020;115:e1-e17.
3. Stanworth S, New HV, Apelseth TO, et al. Effects of the COVID-19 pandemic on supply and use of blood for transfusion. Lancet Haematol. 2020;7:e756-64.
4. Shaman J. Pandemic preparedness and forecast. Nat Microbiol. 2018; 3(3):265-267.
5. Sher, G. Réunion publique du CA, 3 décembre 2020. Disponible sur le Web : https://www.blood.ca/sites/default/files/CEO_Mid_Year_Review_Q1-Q2_2020-2021_-_OBM_Presentation_V1_FR.pdf