Chapitre 7
Réduction des agents pathogènes dans les produits de fractionnement
Contexte
Traditionnellement, tous les produits de fractionnement étaient fabriqués à partir de mélanges de plasma d’origine humaine. Aujourd’hui, beaucoup de protéines plasmatiques sont obtenues sous forme de produits recombinants selon des processus biotechnologiques qui ne nécessitent pas de plasma humain. Un produit recombinant ou d’origine plasmatique, ou les deux, peuvent être disponibles au Canada en fonction de la protéine recherchée.
Complément aux chapitres 3, 4, 5 et 6, ce chapitre du Guide de la pratique transfusionnelle présente, de façon générale, les principes et les méthodes de production des protéines plasmatiques d’usage courant chez les patients.
Produits recombinants
Pour produire des concentrés de facteur recombinant, on cultive des cellules de mammifères auxquelles on a transfecté des vecteurs d’acide nucléique portant le gène de la protéine d’intérêt. Les cellules transfectées fabriquent la protéine plasmatique sécrétée dans le milieu de culture. On recueille ensuite ce milieu de culture afin d’en extraire les protéines, les purifier et les préparer à un usage thérapeutique1.
Les processus de fabrication d’aujourd’hui, basés sur le degré d’élimination du plasma et de l’albumine de la production et de la formulation des produits, permettent une meilleure réduction des risques de contamination virale. Les concentrés de facteur recombinant de « première génération » contiennent une faible quantité de protéines plasmatiques humaines résiduelles, habituellement de l’albumine, qui est introduite aux étapes de culture cellulaire et de formulation finale. Pour les produits de « deuxième génération », le recours aux protéines plasmatiques ne se fait plus qu’à l’étape de formulation finale, tandis que les produits de « troisième génération », comme l’Advate (rFVIII), le NiaStas RT (rFVIIa) et le Nuwiq (rFVIII dépourvu du domaine B), sont fabriqués sans aucune utilisation de protéines humaines ou animales2-4.
Certains concentrés de facteur VIII (Eloctate) et de facteur IX (Alprolix) présentent même une demi-vie prolongée. Pour ce faire, les fabricants conjuguent des facteurs de coagulation à du polyéthylèneglycol (PEG), ou les fusionnent à de l’albumine ou au fragment Fc de l’immunoglobuline G (IgG)5-7.
Les fabricants vérifient l’innocuité, la puissance et l’efficacité des concentrés de facteur recombinant grâce à de nombreux processus de fabrication et d’assurance de la qualité. Enfin, la plupart des concentrés subissent également un processus de réduction et d’inactivation virales, tel qu’un traitement par solvant-détergent, une nanofiltration, ou encore un traitement thermique (entre autres, par pasteurisation)8.
Produits d’origine plasmatique
Ce sont des entreprises de biotechnologie privées et agréées par le gouvernement canadien qui fabriquent les produits de protéines d’origine plasmatique en mélangeant le plasma d’un grand nombre de donneurs (plus de 10 000) avant d’en séparer les différents constituants – d’où le terme de fractionnement. Les méthodes de fractionnement ont évolué depuis la mise au point, dans les années 40, du processus de fractionnement de Cohn, qui permet de réaliser une série de précipitations successives des divers constituants plasmatiques en variant la concentration en protéine et en éthanol, la force ionique, ainsi que la température et le pH9. Ces méthodes, qui comprennent la chromatographie, la chromatographie d’affinité et la nanofiltration, ont permis d’améliorer la pureté, la diversité et le rendement des produits extraits10-12.
Prévention des maladies transmissibles par voie transfusionnelle
Grâce aux processus de fabrication qui multiplient les étapes avant, pendant et après le processus de fractionnement, le produit final obtenu est extrêmement sûr10-16. Le plasma utilisé provient de donneurs soigneusement sélectionnés qui doivent passer des tests de dépistage sérologiques et d’acide nucléique très sensibles, capables de détecter une variété d’agents pathogènes transmis par le sang, dont le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le virus de l’hépatite B (VHB) et le virus de l’hépatite C (VHC)16. Par ailleurs, l’ajout d’étapes validées spécifiques10,13,16 lors de la fabrication permet de renforcer l’innocuité des produits en ce qui a trait aux infections. Depuis l’adoption des pratiques manufacturières modernes dans les années 80 et 90, aucun cas de transmission du VIH, du VHB et du VHC par transfusion de produits d’origine plasmatique n’a été recensé au Canada17. Le risque d’infection par voie sanguine se situe entre moins de 1 sur 1 million et moins de 1 sur 10 millions, voire moins18.
Évaluation des donneurs et dépistage des dons
L’évaluation de la santé des donneurs se fait avant chaque don. Sont exclues toutes les personnes qui présentent des facteurs de risque d’infection par voie sanguine, y compris celles qui auraient potentiellement été exposées aux maladies à prion comme la maladie de Creutzfeldt-Jacob et sa variante. Chaque don fait l’objet de tests de dépistage d’agents pathogènes spécifiques, dont des tests sérologiques et des tests d’amplification des acides nucléiques pour le VIH, le VHB et le VHC. Les unités qui donnent des résultats positifs sont automatiquement rejetées11,12.
Les critères d’admissibilité permettent également de protéger les donneurs. Par exemple, des mesures de protection supplémentaires ont été mises en place pour les donneurs de plasma par aphérèse, qui sont soumis à des critères de poids, à un volume maximal prélevé par don, à un volume cumulatif maximal prélevé par an et à un nombre maximal de dons par an. Le taux de protéines sériques de ces donneurs est mesuré avant chaque don. Ils doivent également passer un protéinogramme tous les quatre mois ainsi qu’un examen physique annuel.
La plupart des produits de fractionnement distribués au Canada sont fabriqués à partir de plasma recueilli auprès de donneurs étrangers, dont la majorité est constituée de donneurs rémunérés aux États-Unis. Malgré des différences dans les critères de sélection des donneurs et les tests de dépistage, tous les produits de fractionnement distribués au Canada répondent aux normes d’homologation de Santé Canada et/ou du Conseil de l’Europe (CE) et/ou de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis. De rigoureux protocoles de sécurité appliqués à toutes les étapes de la collecte, de l’analyse et de la production permettent de garantir l’innocuité des produits plasmatiques, qu’ils soient fabriqués à partir de plasma de donneurs rémunérés ou non rémunérés13,16,17. Enfin, l’accès à certains produits non homologués par Santé Canada et non distribués au Canada peut être accordé, au cas par cas, dans le cadre du Programme d’accès spécial de Santé Canada.
Pour plus de détails sur la sélection des donneurs et les tests de dépistage des maladies transmissibles, reportez-vous au chapitre 6 du Guide.
Réduction et inactivation des agents pathogènes dans les produits de fractionnement
Il existe plusieurs façons de réduire les risques de transmission des agents pathogènes pendant la fabrication des produits de fractionnement (voir tableau 1). La plupart des fabricants utilisent une combinaison d’au moins deux processus complémentaires10,15. Pour déterminer leur degré d’efficacité, on examine le taux d’agents pathogènes restants dans des échantillons contaminés qui ont été soumis au processus d’inactivation. D’autres procédés manufacturiers se sont également révélés efficaces pour éliminer les prions présents dans les dérivés plasmatiques19.
Tableau 1 : Méthodes de réduction et d’inactivation des agents pathogènes dans les produits de fractionnement
Fractionnement | Le processus de fractionnement réduit la contamination bactérienne et virale ainsi que probablement la contamination par prions. En effet, les changements de pH, de température et de la concentration en éthanol permettent de diminuer la contamination microbienne et de dissocier les virus des protéines20. |
Chromatographie et nanofiltration | Elles permettent de réduire davantage la présence des agents pathogènes et améliorent la pureté du produit10,14. |
Traitement thermique | Il peut se faire à sec, à la vapeur ou à l’eau (pasteurisation), selon le produit. On fixe la température, la pression et la durée du traitement en fonction de chaque produit afin d’inactiver des agents pathogènes bien définis, sans atténuer indûment l’activité biologique du produit13,15. |
Traitement par caprylate ou solvant-détergent | Ce traitement est efficace contre les virus à enveloppe lipidique tels que le VIH, le VHB et le VHC13,21. On combine des solvants non miscibles avec l’eau avec des détergents pour rompre la membrane lipidique des virus. Ces réactifs sont ensuite retirés du produit plus tard dans le processus de production. |
Autres tests de dépistage de maladies transmissibles
En plus des mesures de sélection des donneurs qui sont appliquées avant d’envoyer le plasma aux laboratoires de fractionnement, des tests supplémentaires peuvent être effectués par le laboratoire pendant le processus de fractionnement. Il s’agit de tests de dépistage des virus non enveloppés, tels que le parvovirus B19 et le virus de l’hépatite A (VHA), lesquels sont plus résistants à l’inactivation pendant le fractionnement. La plupart des fabricants utilisent le test d’amplification des acides nucléiques pour le dépistage du parvovirus B19 et du VHA dans les mélanges de plasma. Ce test permet d’isoler les unités de plasma qui présentent un titre très élevé de parvovirus B19 et celles infectées par le VHA. Une fois identifiées, ces unités sont retirées de la production.
Tous les produits plasmatiques sont soumis à des tests visant à vérifier s’ils sont apyrétogènes et stériles à la fin du processus de production.
Conclusion
Bien que l’on ne puisse éliminer complètement le risque de transmission de maladies par voie transfusionnelle, les produits de fractionnement (produits recombinants ou d’origine plasmatique) offerts à l’heure actuelle sont fabriqués conformément aux bonnes pratiques de fabrication, à l’aide de procédés validés. De plus, ils font l’objet d’un contrôle de la qualité approprié permettant de s’assurer du respect des normes très rigoureuses en matière de pureté, de puissance, d’efficacité et de sécurité.
Pour plus d’informations sur les protéines plasmatiques disponibles au Canada et sur les indications de ce type de produit, consultez le chapitre 3 du Guide pour l’albumine, le chapitre 4 pour les immunoglobulines et le chapitre 5 pour les concentrés de facteur de coagulation.
Crédits de développement professionnel continu
Les associés et les professionnels de la santé qui participent au Programme de maintien du certificat du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada peuvent demander que la lecture du Guide de la pratique transfusionnelle soit reconnue comme activité de développement professionnel continu au titre de la section 2 – Activités d’auto-apprentissage. La lecture d’un chapitre donne droit à deux crédits.
Les technologistes médicaux qui participent au Programme d’enrichissement professionnel (PEP) de la Société canadienne de science de laboratoire médical peuvent demander que la lecture du Guide de la pratique transfusionnelle soit reconnue en tant qu’activité non vérifiée.
Remerciements
L’auteur remercie la Dre Barbara Hannach, FRCPC, qui a rédigé les versions précédentes de ce chapitre jusqu’en 2017, ainsi que le professeur Steven Drews, FCCM, D(ABMM), pour son aide dans la mise à jour des références.
Citation
Bigham M, « Chapitre 7 : Réduction des agents pathogènes dans les produits de fractionnement » dans Clarke G, Chargé S (dir.), Guide de la pratique transfusionnelle, Ottawa, Société canadienne du sang, 2019. Disponible sur le Web : developpementprofessionnel.sang.ca.
Si vous avez des questions ou des suggestions d’amélioration concernant le Guide de la pratique transfusionnelle, veuillez communiquer avec nous par l’entremise de notre formulaire.
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