Auteur(e)s : Aditi Khandelwal, M.D.C.M., M.Sc., FRCPC, DRCPSC; Chantale Pambrun, M.D., FRCPC; Mindy Goldman, M.D., FRCPC
Principal public cible : technologues de laboratoire médical, personnel infirmier spécialisé en transfusions, agents de sécurité transfusionnelle, médecins, programmes de gestion personnalisée du sang
Publié le : 28 mars 2017 (mis à jour le 8 février 2023)
La carence en fer est courante chez les donneurs de sang total, en particulier chez les femmes, les donneurs réguliers et les candidats au don qui n’obtiennent pas de résultat concluant au test d’hémoglobine capillaire.
En 2017, afin de réduire les risques de carence en fer chez ses donneurs, la Société canadienne du sang a augmenté la période d’attente entre deux dons de sang total à 84 jours, au lieu de 56 jours, pour les femmes; ainsi que le taux d’hémoglobine minimal à 130 g/l, au lieu de 125 g/l, pour les hommes donnant du sang total.
En 2023, la Société canadienne du sang a commencé à analyser, de façon sélective, le taux de ferritine de certains donneurs réguliers de sang total qui présentent un risque accru de carence en fer.
Nous conseillons aux donneurs de sang total de parler avec leur médecin d’une éventuelle supplémentation en fer afin de pallier la perte de fer liée aux dons de sang. Bien que cette mesure ne suffise pas à restaurer le taux normal de ferritine, une alimentation riche en fer est également recommandée à tous les donneurs de sang.
Les médecins ayant des patients qui donnent fréquemment du sang (plus de trois fois par an pour les hommes et plus d’une fois par an pour les femmes) doivent régulièrement envoyer ces patients faire analyser leur taux de ferritine sérique.
Les médecins ayant des patients qui donnent du sang doivent envisager de leur prescrire un supplément de fer. La prise quotidienne de 37,5 mg de fer élémentaire pendant huit semaines devrait suffire à reconstituer les réserves en fer perdues à la suite d’un don de sang total.
Essentiels à tout système d’approvisionnement en sang, les donneurs de sang total fournissent le sang à partir duquel on obtient les globules rouges, les plaquettes et les composants plasmatiques qui seront administrés aux personnes malades. La Société canadienne du sang s’est engagée à maintenir un approvisionnement en sang sûr et sécuritaire tout en protégeant la santé des donneurs. Aussi, cet article examine-t-il les répercussions du don de sang total sur le taux de fer des donneurs ainsi que les mesures prises par notre organisation pour protéger la santé de ses donneurs.
Les globules rouges sont les cellules que l’on retrouve en plus grande quantité dans le sang. Ils sont remplis d’hémoglobine, dont le rôle est de transporter l’oxygène dans le corps et de le débarrasser du dioxyde de carbone. L’hémoglobine est constituée d’un élément essentiel, le fer : chaque molécule d’hémoglobine est composée de quatre atomes de fer. Ce fer, qui provient de notre alimentation, intervient dans des réactions biochimiques, dans l’ensemble de l’organisme. Pour illustrer cela, on peut prendre l’exemple d’un traversier et des voitures remplies de passagers qu’il transporte : le fer fait office de siège pour l’oxygène (les passagers) dans l’hémoglobine (la voiture), laquelle est transportée par le globule rouge (le traversier). Le traversier livre ensuite son chargement aux organes et aux tissus en empruntant comme routes les artères, les veines et les capillaires.
Le fer est emmagasiné dans les cellules hépatiques ainsi que dans la ferritine, une protéine. La mesure de la ferritine sérique permet d’estimer le niveau des réserves en fer dans le corps. Avant tout don, les donneurs de sang total doivent se soumettre à un test d’hémoglobine par ponction capillaire effectué à l’aide d’un hémoglobinomètre. La ferritine, cependant, ne peut être analysée dans les collectes.
Selon Cooper et coll. (2012), la prévalence d’une ferritine sérique suffisante chez les Canadiens âgés de 20 à 49 ans est de 98,7 % pour les personnes de sexe masculin à la naissance (intervalle de confiance à 95 %, 97,5-99,9) et de 90,9 % pour les personnes de sexe féminin à la naissance (intervalle de confiance à 95 %, 87,2-94,6).1 D’un point de vue statistique, les femmes présentent un taux de ferritine inférieur à celui des hommes, et la prévalence la plus élevée d’une ferritine sérique insuffisante concernait les femmes âgées de 12 à 19 ans (13 %).1 Lors d’un don de sang total de 500 mL, on estime que la perte de fer est de l’ordre de 225 à 250 mg. Si ce fer n’est pas restauré par l’alimentation ou une supplémentation, cela peut entraîner des problèmes de santé. En raison de la fréquence des dons de sang total, on estime que jusqu’à 35 % des donneurs de sang total présentent une carence en fer, c’est-à-dire que leur taux de ferritine est inférieur à 25 µg/L (voir tableau 1).2 Une supplémentation quotidienne en fer de 37,5 mg de fer élémentaire pendant huit semaines suffirait à restaurer le fer perdu lors d’un don de sang total.2
Une carence en fer peut être accompagnée ou non d’une anémie, c’est-à-dire d’un faible taux d’hémoglobine. Le test d’hémoglobine auquel la Société canadienne du sang soumet les donneurs avant un don de sang permet de détecter les carences en fer avec anémie, mais pas celles sans anémie. La vaste gamme des symptômes liés à la carence en fer est attribuée aux nombreuses utilisations physiologiques du fer.
En l’absence de traitement, une carence en fer sans anémie peut se transformer en une carence en fer avec anémie, que l’on appelle encore anémie ferriprive. Pour éviter aux médecins d’avoir à rechercher la cause d’une carence en fer chez leurs patients qui donnent du sang, il est important que les donneurs de sang et les médecins connaissent le lien qui existe entre le don de sang total et la carence en fer.3-5
Les symptômes de la carence en fer sans anémie ont été principalement étudiés chez les femmes préménopausées. Un quart des femmes en période de menstruation présentent une carence en fer, dont la fatigue est le principal symptôme signalé.6-11 Ce symptôme s’atténue à mesure que les réserves de fer sont reconstituées.11 Les symptômes généralement associés à la carence en fer sont la fatigue, une diminution de l’aptitude à l’exercice physique, des changements neurocognitifs, le pica et le syndrome des jambes sans repos.2,12 De plus, la carence en fer sans anémie influe sur la qualité de vie.6,13,14
Les manifestations physiologiques de l’anémie ferriprive comprennent une réduction de la fonction immunitaire, une altération des performances cognitives, des changements comportementaux, une réduction de la fonction thermorégulatrice corporelle et du métabolisme énergétique, ainsi qu’une diminution de l’aptitude à l’exercice physique et au travail.15,16
Tableau 1 — État des réserves en fer en fonction du taux de ferritine sérique*
Réserves en fer | Ferritine sérique |
---|---|
Inexistantes | < 12 µg/L |
Faibles | 12–24 µg/L |
Adéquates | > 25 µg/L |
* La définition clinique de la carence en fer varie en fonction des directives applicables et du contexte clinique. D’un point de vue diagnostique, le taux de ferritine correspondant à une carence en fer peut être compris entre < 12 µg/L et < 40 µg/L chez les personnes ne présentant aucune maladie chronique ou inflammatoire sous-jacente.17 |
Au Canada, les produits sanguins labiles proviennent de près de 415 000 donneurs volontaires. Chaque année, nous recueillons environ 800 000 unités de sang total. Quatre-vingt-douze pour cent de ces dons proviennent d’un ensemble de donneurs dévoués et réguliers, et les 8 % restants de nouveaux donneurs.18 Selon les chiffres de 2021, chaque donneur fait un peu plus de deux dons par an en moyenne.
Avant chaque don, nous prélevons du sang capillaire au bout d’un doigt des donneurs afin de réaliser un test d’hémoglobine. Pour pouvoir donner du sang, le taux d’hémoglobine doit être, au minimum, de 125 g/l pour les femmes et de 130 g/l pour les hommes. En 2018, nous avons dû refuser 8 % de femmes et 2 % d’hommes à cause de leur faible taux d’hémoglobine. Un faible taux d’hémoglobine peut être la conséquence tardive d’une carence en fer et, plus rarement, d’autres causes, comme une carence en vitamine B12 ou une pathologie myéloïde.
Depuis janvier 2023, nous analysons le taux de ferritine de certains donneurs de manière sélective.19 En effet, il est de plus en plus reconnu que le don de sang total peut entraîner une carence en fer, en particulier chez les femmes et les donneurs réguliers.3,4,20-22 Par ailleurs, nous avons pu constater que le taux de refus de donneurs en raison d’un faible taux d’hémoglobine augmentait avec la fréquence des dons de sang total. Il est possible que les donneurs et leurs médecins ne fassent pas toujours la relation entre le don de sang et la carence en fer.3-5 Or, si l’on considère les symptômes de la carence en fer, il en va de la sécurité des donneurs.
Afin d’évaluer la prévalence de la carence en fer chez les donneurs de sang total, nous avons mesuré les taux de ferritine de près de 13 000 donneurs, soit 2,6 % de notre bassin de donneurs (voir tableau 2).21,23,24 Nous avons remis aux donneurs qui présentaient un faible taux de ferritine, une fiche d’information ainsi qu’une lettre les encourageant à consulter leur médecin ou leur pharmacien pour une supplémentation en fer. Nous avons aussi évalué les connaissances des donneurs sur les répercussions du don de sang sur leurs réserves en fer et nous avons cherché à savoir s’ils en avaient déjà discuté avec leur médecin.
Voici les résultats de nos investigations :
Les donneurs ont très peu de connaissances sur le fer et peu de donneurs parlent du don de sang avec leur médecin.
Les donneurs réguliers présentent souvent une carence en fer, même si leur test d’hémoglobine capillaire est concluant.
La plupart des donneurs dont le test d’hémoglobine capillaire n’est pas concluant présentent une carence en fer.
Les médecins des donneurs dont le taux de ferritine est faible ne leur recommandent pas toujours de prendre une supplémentation en fer.
Beaucoup de donneurs prendraient une supplémentation en fer si celle-ci leur était recommandée par leur médecin.
Tableau 2 — Taux de ferritine des donneurs de l’étude en fonction du sexe (adapté de Goldman et coll., 2017).23
Taux de ferritine (mcg/L) | ||||||||||
Sexe | Âge (ans) |
Status | Nbre de dons dans les 12 derniers mois† |
Donneurs | Hb (g/L) | Ferritine (µg/L) | <12 | 12-24 | 25-336 | >336 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Femmes |
17-24 |
Nouvelle ou ancienne donneuse‡ |
|
514 (9,1) |
141 (140-142) |
33 (31-35) |
64 (12,5) |
169 (32,9) |
281 (54,7) |
|
Assidûe |
1-2 dons |
358 (6,3) |
137 (136-139) |
18 (17-20) |
163 (45,5) |
101 (28,2) |
94 (26,3) |
|
||
3 dons |
68 (1,2) |
136 (134-138) |
12 (9-15) |
49 (72,1) |
15 (22,1) |
4 (5,9) |
|
|||
≥4 dons |
38 (0,7) |
139 (135-142) |
18 (11-24) |
20 (52,6) |
9 (23,7) |
9 (23,7) |
|
|||
25-45 |
Nouvelle ou ancienne donneuse‡ |
|
824 (14,6) |
139 (138-140) |
44 (40-47) |
65 (7,9) |
205 (24,9) |
553 (67,1) |
1 (0,1) |
|
Assidûe |
1-2 dons |
803 (14,2) |
138 (138-139) |
24 (22-25) |
232 (28,9) |
291 (36,2) |
280 (34,9) |
|
||
3 dons |
224 (4,0) |
138 (136-139) |
17 (15-19) |
100 (44,6) |
78 (34,8) |
46 (20,5) |
|
|||
≥4 dons |
163 (2,9) |
136 (134-139) |
17 (15-20) |
78 (47,9) |
55 (33,7) |
30 (18,4) |
|
|||
≥46 |
Nouvelle ou ancienne donneuse‡ |
|
561 (9,9) |
141 (140-142) |
67 (62-72) |
31 (5,5) |
78 (13,9) |
450 (80,2) |
2 (0,4) |
|
Assidûe |
1-2 dons |
1052 (18,7) |
140 (140-141) |
33 (31-35) |
175 (16,6) |
309 (29,4) |
567 (53,9) |
1 (0,1) |
||
3 dons |
446 (7,9) |
140 (139-141) |
25 (22-27) |
130 (29,1) |
174 (39,0) |
142 (31,8) |
|
|||
≥4 dons |
589 (10,4) |
139 (138-140) |
20 (18-21) |
219 (37,2) |
237 (40,2) |
133 (22,6) |
|
|||
|
Total |
|
5640 (100,0) |
139 (139-140) |
32 (31-33) |
1326 (23,5) |
1721 (30,5) |
2589 (45,9) |
4 (0,1) |
|
Hommes |
≥17 |
Nouvelle ou ancienne donneuse‡ |
|
1502 (26,6) |
156 (155-156) |
126 (121-132) |
8 (0,5) |
35 (2,3) |
1391 (92,6) |
68 (4,5) |
Assidû |
1-3 dons |
3287 (47,3) |
153 (153-154) |
58 (55-60) |
225 (6,8) |
665 (20,2) |
2367 (72,0) |
30 (0,9) |
||
4-5 dons |
1978 (28,4) |
150 (149-151) |
28 (26-29) |
527 (26,6) |
708 (35,8) |
739 (37,4) |
4 (0,2) |
|||
≥6 dons |
188 (2,7) |
149 (147-151) |
21 (18-24) |
64 (34,0) |
81 (43,1) |
43 (22,9) |
|
|||
|
Total |
|
6955 (100,0) |
153 (153-153) |
63 (61-65) |
824 (11,8) |
1489 (21,4) |
4540 (65,3) |
102 (1,5) |
|
* Les données sont indiquées en pourcentage suivi de la moyenne entre parenthèses (intervalle de confiance : 95 %). |
Ces résultats, qui concernent les donneurs canadiens, sont similaires à ceux obtenus dans d’autres études réalisées aux États-Unis, en Australie, en Suisse, aux Pays-Bas et au Danemark.20-27 Dans les autres pays, le sexe du donneur à la naissance et la fréquence des dons constituaient les principaux déterminants de la carence en fer chez les donneurs de sang total.20,25-27
Informer les donneurs de leur carence en fer s’est avéré une stratégie efficace et nous avons pu constater une baisse de la fréquence de leurs dons pendant les deux ans qui ont suivi, comparé aux donneurs qui présentaient un taux normal de ferritine et qui n’en avaient pas été avisés (constations similaires à celles de l’étude STRIDE).28
Grâce à des entretiens qualitatifs avec les donneurs, nous avons pu déterminer qu’ils avaient une faible compréhension générale du lien qui existe entre l’hémoglobine et le fer, qu’ils ne disposaient pas des connaissances nécessaires pour pallier les effets secondaires d’une supplémentation en fer et qu’ils avaient peu d’interactions avec leur médecin, lesquelles se résumaient souvent à leur visite annuelle.
C’est sur les résultats de ces études internes et ceux d’études réalisées dans d’autres pays que nous nous sommes basés pour prendre des mesures de mitigation de la carence en fer chez nos donneurs, dont l’analyse sélective du taux de ferritine chez certains donneurs.19
Nos études ont montré que les réserves en fer de la majorité des donneurs de sang total dont le test d’hémoglobine capillaire n’est pas concluant sont faibles (ferritine comprise entre 12 et 24 µg/L) ou inexistantes (ferritine < 12 µg/L). Pour pousser l’investigation, il faut donc mesurer le taux d’hémoglobine de nouveau sur un échantillon de sang prélevé par ponction veineuse. Cette méthode est plus fiable que le test d’hémoglobine par ponction capillaire effectué à l’aide d’un hémoglobinomètre. En guise de suivi, on peut réaliser une évaluation individualisée des facteurs ayant pu contribuer à une diminution du taux d’hémoglobine, dont une mesure du taux de ferritine sérique. D’autres analyses peuvent s’avérer utiles dépendamment de l’état de santé du donneur et de divers facteurs, comme l’âge, le statut menstruel, les antécédents de grossesse, la présence d’antécédents familiaux de cancer gastro-intestinal, et la présence de symptômes ou de signes de problèmes de santé sous-jacents pouvant contribuer à une perte de sang ou à une malabsorption nutritive. Dans ses directives, la British Society of Gastroenterology recommande d’obtenir l’historique des dons de sang lorsque l’on recherche les causes d’une carence en fer.29
Pour les jeunes donneurs qui donnent du sang régulièrement, on préconise un essai de supplémentation en fer et une interruption des dons de sang, suivis d’une nouvelle évaluation des taux d’hémoglobine et de ferritine six mois après. Pour les primodonneurs plus âgés, on recommande des analyses gastro-intestinales. À noter que les donneurs qui présentent des antécédents personnels ou familiaux d’hémochromatose ne devraient pas prendre de suppléments de fer.
Sur la fiche d’information (figure 1) remise aux donneurs, nous recommandons à ceux dont le test d’hémoglobine n’a pas été concluant de ne pas faire de don avant d’avoir vu un médecin et déterminé la cause de leur anémie. Par ailleurs, nous recommandons à ceux qui seraient amenés à prendre des suppléments de fer à cause d’une anémie ferriprive d’attendre six mois de supplémentation et la disparition de leur anémie avant de recommencer à donner du sang.
La carence en fer étant si courante chez les donneurs de sang total, nous leur recommandons de parler à leur médecin de leur statut de donneur lors des visites de routine. Les donneurs qui pourraient présenter des symptômes de carence en fer, comme une fatigue inexpliquée, doivent faire analyser leur taux de ferritine sérique. Enfin, les jeunes donneurs (moins de 20 ans) et les donneurs qui font deux dons ou plus par an doivent faire analyser leur taux de ferritine sérique.30-33
Une dose quotidienne de 37,5 mg pendant au moins huit semaines,34 devrait permettre de remplacer le fer perdu lors d’un don de sang total. Il est très difficile pour les donneurs réguliers, en particulier les donneurs en période de menstruation ou qui ont connu une grossesse récente, de remplacer le fer par la seule voie alimentaire ou en prenant des multivitamines ne contenant pas une quantité suffisante de fer.6 Le tableau 3 contient quelques préparations de fer disponibles au Canada, ainsi que le nombre de comprimés nécessaires pour restaurer le fer perdu lors d’un don de sang total. La plupart des études concernant la supplémentation en fer des donneurs de sang préconisent de prendre un comprimé par jour à l’heure du coucher, de préférence l’estomac vide, deux heures après le souper, pendant une durée allant jusqu’à trois mois après chaque don de sang total — plus pour les donneurs qui présentent déjà un faible taux de ferritine (voir tableau 1).
Comme le montrent notre étude ainsi que celles de Statistique Canada, beaucoup de donneurs inscrits en tant que femmes ont déjà de faibles réserves en fer avant même de commencer à donner du sang. Par ailleurs, les réserves en fer des donneurs qui prenaient au moins 37,5 mg de fer élémentaire par jour se sont rétablies plus vite (entre 4 à 5 semaines) que celles des donneurs qui n’en prenaient pas (entre 11 et 23 semaines).2 Il a été démontré qu’une supplémentation orale en fer pendant huit semaines permettait d’améliorer le capital ferrique de l’organisme après un don de sang total.35 Les donneurs chez qui on a diagnostiqué une carence en fer sans anémie et qui prennent des suppléments de fer peuvent recommencer à donner du sang une fois leurs réserves reconstituées (ferritine ≥ 25 µg/L).
Tableau 3 — Suppléments de fer disponibles au Canada
Préparations | Comprimé (mg) | Fer élémentaire (%) | Fer élémentaire par compr. (mg) | Nbre de compr. pour une dose totale de 2 000 mg | Nbre de compr. pour une dose totale de 4 000 mg |
---|---|---|---|---|---|
Sulfate de fer | 300 | 20 | 60 | 33 | 66 |
Gluconate de fer | 300 | 11.6 | 35 | 57 | 114 |
Fumarate de fer | 300 | 33 | 99 | 20 | 40 |
Complexe polysaccharide-fer | 150 | 100 | 150 | 14 | 28 |
Mis à part l’alimentation, les multivitamines et les suppléments de fer, il existe d’autres sources de fer, dont l’eau minérale et le matériel de cuisson, comme les récipients en fonte ou encore les lingots de fer Lucky Iron Fish et Lucky Iron Fish. Il convient toutefois de consulter son médecin ou son pharmacien pour déterminer si ces sources peuvent fournir la quantité de fer appropriée à sa situation individuelle. Par ailleurs, comme cela a été dit auparavant, les donneurs réguliers, les jeunes donneurs (moins de 25 ans), les donneurs en période de menstruation et les femmes qui donnent du sang total nécessitent plus de fer que la quantité journalière recommandée pour maintenir leurs réserves en fer à des niveaux acceptables (voir tableau 1). Bien que ces sources de fer ne présentent aucun danger pour les personnes en bonne santé, leur efficacité comme traitement préventif ou curatif de la carence en fer n’a pas été démontrée dans les pays développés.
Depuis janvier 2023, nous analysons, de manière sélective, le taux de ferritine de certains donneurs. Nous avons commencé par analyser le taux de ferritine des donneurs de sang total inscrits en tant que femmes tous les dix dons.19 Si l’analyse du taux de ferritine du donneur révèle une carence en fer (ferritine < 25 µg/L), nous lui conseillons de reconstituer ses réserves en fer pendant six mois, puis de se faire examiner par son médecin avant de recommencer à donner du sang. Plusieurs études ont montré l’efficacité de cette stratégie, à savoir informer les donneurs de l’état de leurs réserves de fer dans le but de leur permettre de prendre en charge leur propre santé.24,28 Il s’agit-là de la dernière mesure que nous avons mise en place pour protéger la santé des donneurs en ce qui a trait au fer. Elle sera amenée à être évaluée dans le but d’une éventuelle expansion.
Figure 1 — Fiche d’information remise aux donneurs La figure ci-dessus représente un exemple de fiche d’information remise aux donneurs dont le test d’hémoglobine n’est pas concluant pour un don de sang total. Ce document, qui permet de leur fournir des informations sur l’hémoglobine et les réserves de fer et qu’ils peuvent montrer à leur médecin, permet de remédier à la baisse de leur taux d’hémoglobine.
Au Canada, la totalité du système d’approvisionnement en sang repose sur les dons volontaires d’environ 2 % de la population adulte, qui de façon altruiste, permettent à toute la population d’avoir accès à des traitements vitaux. La carence en fer est un problème courant, en particulier chez les femmes en âge de procréer. Les dons de sang total ont d’importantes répercussions sur les réserves en fer des donneurs réguliers, en particulier sur celles des femmes. Diverses mesures doivent donc être prises pour prévenir, détecter et traiter la carence en fer chez les donneurs. La Société canadienne du sang a mis en place plusieurs stratégies qui permettent d’atténuer les risques liés à la perte de fer lors des dons de sang total. Ces stratégies comprennent la limitation du nombre de dons de sang total pour les donneurs les plus susceptibles de développer une carence en fer, une meilleure éducation des donneurs et des médecins sur le lien entre l’épuisement des réserves en fer et le don de sang total, et l’analyse sélective du taux de ferritine chez certains donneurs. Nous recommandons aux donneurs réguliers de parler avec leur médecin du don de sang, du suivi éventuel de leur taux de ferritine et d’une supplémentation en fer. Quant aux médecins, nous les encourageons à demander à leurs patients s’ils donnent du sang en cas de carence en fer ou de symptômes non spécifiques associés à la carence en fer, tels que la fatigue. En conclusion, les donneurs réguliers doivent souvent prendre des suppléments de fer de manière temporaire pour restaurer le fer perdu lors des dons de sang.
Khandelwal A, Pambrun C, Goldman M. Importance du fer chez les donneurs de sang total : la perspective canadienne [Internet]. Ottawa : Société canadienne du sang; 2023 [cité le JJ MM AAAA]. Disponible à : Importance du fer chez les donneurs de sang total : la perspective canadienne | Développement professionnel