Chapitre 16
Don autologue préopératoire

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Auteur(s)
Terrie Foster, inf. aut., et Matthew Yan, M. D., FRCPC
Date de publication

Contexte

Le présent chapitre porte sur le don autologue préopératoire. On parle de don autologue préopératoire lorsqu’un patient donne du sang en vue d’un usage personnel ultérieur, généralement une intervention chirurgicale non urgente.  Les trois principales interventions pour lesquelles un don autologue préopératoire est demandé sont l’arthroplastie totale de la hanche, l’arthroplastie totale du genou et l’hystérectomie.1

Il existe d’autres types d’utilisation du sang autologue (p. ex. hémodilution normovolémique aiguë et récupération de sang intraopératoire et postopératoire) dont nous ne parlerons pas dans le présent chapitre.

Les dons autologues doivent être réservés aux patients ayant un groupe sanguin rare2 ou présentant une déficience en protéines plasmatiques. Dans leur cas, les unités de sang allogène ne répondent pas toujours à leurs besoins. Dans tous les autres cas, les transfusions de sang allogène se révèlent une option sûre. Pour obtenir de plus amples renseignements sur l’abandon des dons dirigés, consultez la FAQ sur la fin du programme de dons dirigés de la Société canadienne du sang.

Avantages et risques 

Le bien-fondé des produits sanguins autologues transfusés n’a pas fait l’objet d’études au Canada. Seul un petit nombre d’essais cliniques randomisés de haute qualité au sujet du don autologue préopératoire a été publié.3 En 1997, la Commission Krever a recommandé que le don autologue préopératoire soit offert aux patients afin de réduire les risques de transmission de maladies infectieuses.4 Cependant, il se peut que cette recommandation ne s’applique plus. D’après des données recueillies en 2019, les estimations du risque résiduel d’infection d’un don allogène sont très faibles au Canada : 1 sur 12,9 millions de dons pour le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), 1 sur 27,1 millions de dons pour le VHC (hépatite C), et 1 sur 1,38 million de dons pour le VHB (hépatite B).5 De plus, aucun cas d’infection au VIH par voie transfusionnelle n’a été observé au Canada depuis la mise en œuvre du dépistage systématique en 1985.6

La transfusion de sang autologue n’est pas sans risques. Le sang autologue ne doit être transfusé à un donneur que si son état clinique le justifie. En ce qui a trait aux effets indésirables, le don autologue préopératoire est associé à une augmentation globale de 30 % de la nécessité potentielle d’une transfusion additionnelle (autologue et allogène)7 et peut accroître le risque d’anémie périopératoire. L’information sur le besoin supplémentaire de sang allogène chez les patients ayant reçu une transfusion de sang autologue n’a pas été consignée au Canada. Le processus du don autologue peut entraîner des réactions et des complications à une fréquence jusqu’à 12 fois plus élevée que chez les donneurs de sang allogène en bonne santé.8 Cet écart est associé aux différences dans les critères de sélection. Des complications — délivrance d’une mauvaise unité sanguine, contamination d’origine bactérienne ou encore surcharge volémique attribuable à la transfusion — peuvent survenir tant avec des unités de sang autologue qu’avec des unités de sang allogène. Consultez le chapitre 10 du présent Guide pour en savoir plus sur les réactions transfusionnelles indésirables. 

Pour ce qui est des risques relatifs au système d’approvisionnement en sang, la majorité (80 %) du sang autologue recueilli n’est pas transfusée aux patients-donneurs et doit être éliminé.1 Le sang recueilli dans le cadre d’un don autologue préopératoire ne peut être stocké dans la banque de sang allogène, puisque le produit sanguin ainsi obtenu ne répond pas nécessairement aux critères de sélection établis pour le don allogène.

En 2018, étant donné le faible risque de transmission de maladies infectieuses représenté par la transfusion de sang allogène, les effets indésirables associés au don autologue préopératoire et les taux élevés d’élimination des dons autologues, le Comité consultatif national sur le sang et les produits sanguins (CCN) a recommandé que le don autologue préopératoire soit restreint aux patients possédant un phénotype rare ou à ceux chez qui on trouve des anticorps érythrocytaires multiples or rares pour lesquels du sang compatible n’est pas disponible à court terme.2 Par conséquent, le principal avantage du don autologue préopératoire pourrait se limiter à des circonstances où l’on est en présence d’un type d’antigènes érythrocytaires rare ou d’une déficience en protéines plasmatiques rare et dans lesquelles les unités de sang allogène ne répondent pas aux besoins du patient.

Recours en diminution

Les prélèvements de sang autologue, réalisés par les opérateurs sanguins (Société canadienne du sang et Héma-Québec) et les services hospitaliers, ont considérablement diminué au Canada. Concernant les opérateurs sanguins, en 2007, on dénombrait plus de 5 000 prélèvements de sang autologue préopératoire par année;1 ce nombre a chuté jusqu’à cinq prélèvements en 2019, et à deux prélèvements seulement en 2020. On observe également une baisse du nombre d’établissements hospitaliers recueillant de tels dons. En 2020, seuls deux d’entre eux se sont inscrits auprès de Santé Canada pour du prélèvement de sang autologue préopératoire, bien qu’ils n’aient pas recueilli d’unités au cours des dernières années.

Cette baisse du nombre de prélèvements et de l’utilisation des composants sanguins autologues est entre autres attribuable à la diminution du risque d’infections associé à la transfusion de sang allogène, à la diminution des hémorragies grâce aux progrès réalisés dans les techniques chirurgicales et au nombre croissant de programmes de gestion du sang du patient (GSP). Par gestion du sang du patient, on entend l’application en temps opportun de concepts médicaux et chirurgicaux reposant sur des données probantes visant à maintenir le taux d’hémoglobine, à optimiser l’hémostase et à réduire la perte sanguine en vue d’améliorer les résultats pour le patient.9 Une application généralisée de ces concepts a donné lieu à une réduction globale des taux de transfusion dans plusieurs pays, notamment au Canada.10 Par exemple, à partir de ses réserves de produits allogènes, la Société canadienne du sang a distribué environ 19 unités de globules rouges par millier d’habitants en 2019-2020, ce qui représente une baisse constante depuis 2009-2010 (32 unités par millier d’habitants).11,12

Admissibilité 

La description qui suit s’applique au don autologue recueilli par les opérateurs sanguins au Canada. À noter qu’en milieu hospitalier, il peut y avoir des processus différents pour déterminer l’admissibilité.

Les médecins et chirurgiens aiguillent les éventuels donneurs de sang autologue vers l’opérateur sanguin compétent. La demande fait l’objet d’un processus d’examen interne pour déterminer si le patient répond aux critères d’admissibilité et s’il correspond aux recommandations2 fondées sur des données probantes qu’a émises le CCN. La décision finale de procéder au don autologue revient au directeur médical de l’opérateur sanguin.

Le don autologue n’est assujetti à aucune limite d’âge. Le consentement éclairé du patient-donneur doit être obtenu par écrit avant que les prélèvements ne soient effectués. Le patient-donneur doit peser au moins 50 kg (110 lb). Avant le premier prélèvement, il doit également présenter un taux d’hémoglobine d’au moins 110 g/l et un hématocrite minimum de 33 %. Pour les prélèvements subséquents, le taux d’hémoglobine requis est d’au moins 105 g/l avec un hématocrite minimum de 32 %. En règle générale, le nombre de prélèvements, effectués à une semaine d’intervalle, se limite à quatre. Aucun prélèvement ne doit avoir lieu dans les 72 heures précédant l’intervention chirurgicale. Dans la majorité des cas, seuls un ou deux prélèvements sont effectués.1 On recommande une supplémentation en fer pour ramener le taux d’hémoglobine au taux préalable au don, mais cette recommandation n’est pas souvent suivie, puisqu’il semblerait que seuls 8 % des patients-donneurs de sang autologue prennent un supplément en fer.1

Indications et contre-indications

Suivant les recommandations de 2018 du CCN, le don de sang autologue préopératoire ne doit être envisagé que si la probabilité de devoir recourir à la transfusion est supérieure à 10 %. Il ne doit pas être envisagé pour les patients subissant une intervention chirurgicale à faible risque nécessitant rarement une transfusion.

Le don autologue est absolument contre-indiqué dans les cas suivants :

  • cardiomyopathie obstructive hypertrophique
  • sténose aortique
  • maladie de l’artère coronaire gauche principale
  • angine instable
  • insuffisance cardiaque  
  • infarctus du myocarde dans les six semaines précédant la date du don
  • bloc auriculo-ventriculaire
  • signe d’infection ou risque de bactériémie, par exemple en présence d’une sonde urinaire à demeure

Fabrication et analyse 

Le sang total est prélevé sur une solution anticoagulante de citrate-phosphate-dextrose (CPD) et transformé en unités globules rouges en utilisant la méthode B2 (voir le chapitre 2 du présent Guide). Le plasma n’est fourni que sur demande spéciale faite avant le prélèvement. Le sang total autologue n’est pas proposé.

Chaque unité de sang autologue est soumise aux mêmes tests de dépistage de marqueurs d’infections transmises par transfusion (ITT) que les unités de sang allogène (voir le chapitre 6 du présent Guide). Toute unité réagissant positivement au contrôle à l’un ou l’autre des marqueurs révélant la présence d’une maladie infectieuse autre que la syphilis sera détruite et les prélèvements autologues ne seront plus autorisés. Les unités de sang qui obtiennent un résultat positif au test de confirmation de la syphilis pourront être utilisées sans danger à des fins autologues. Également, les patients ayant des antécédents lointains d’hépatite B et ayant obtenu un résultat négatif à un test d’AgHBs peuvent faire un don de sang autologue sous réserve de l’approbation d’un directeur médical, néanmoins une étiquette de produit nocif pour l’organisme devra être apposée sur ces unités pour des motifs réglementaires. Les patients obtenant un résultat faussement positif ou indéterminé à l’un des tests de dépistage d’ITT pourront également recevoir leur unité de sang.

Crédits de développement professionnel continu

Les associés et les professionnels de la santé qui participent au Programme de maintien du certificat du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada peuvent demander que la lecture du Guide de la pratique transfusionnelle soit reconnue comme activité de développement professionnel continu au titre de la section 2 – Activités d’auto-apprentissage. La lecture d’un chapitre donne droit à deux crédits.

Les technologistes médicaux qui participent au Programme d’enrichissement professionnel (PEP) de la Société canadienne de science de laboratoire médical peuvent demander que la lecture du Guide de la pratique transfusionnelle soit reconnue en tant qu’activité non vérifiée.

Citation

FOSTER, Terrie et Matthew YAN. « Chapitre 16 : Don autologue préopératoire ». Dans : Khandelwal A, Abe T, directrices. Guide de la pratique transfusionnelle [Internet], Ottawa, Société canadienne du sang, 2020 [Cité le JJ/MM/AAAA]. [https://professionaleducation.blood.ca/fr]

Remerciements

Les auteurs remercient Dre Chantale Pambrun, FRCPC, qui a rédigé la précédente version de ce chapitre.

Si vous avez des questions ou des suggestions d’amélioration concernant le Guide de la pratique transfusionnelle, veuillez communiquer avec nous par l’entremise de notre formulaire.

Références

  1. PAMBRUN, Chantale, Pierre ROBILLARD, Robert ROMANS et Mindy GOLDMAN. « Autologous Blood Collection in Canada », Transfusion Medicine Reviews, vol. 31, no 3, juillet 2017, p. 193. [http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0887796317300706]
  2. COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL SUR LE SANG ET LES PRODUITS SANGUINS. Déclaration du Comité consultatif national sur le don de sang autologue périopératoire, 2018. [https://www.nacblood.ca/resources/guidelines/downloads/PerioperativeAutologousDonation/NAC_PAD_FINAL_French.pdf] (Consulté le 29 avril 2021)
  3. HENRI, David A., Paul A. CARLESS, Annette J. MOXEY, Dianne O’CONNELL, Katharine KER et Dean A. FERGUSSON. « Pre‐Operative Autologous Donation for Minimising Perioperative Allogeneic Blood Transfusion », Cochrane Database of Systematic Reviews, 23 octobre 2001. [https://doi.org//10.1002/14651858.CD003602]
  4. COMMISSION D’ENQUÊTE SUR L’APPROVISIONNEMENT EN SANG AU CANADA. Horace KREVER [Commissaire]. Rapport final, Ottawa, 1997. [http://publications.gc.ca/pub?id=9.698032&sl=0]
  5. O’BRIEN, Sheila. Rapport de surveillance 2019, Société canadienne du sang, 2019. [https://professionaleducation.blood.ca/fr/transfusion/publications/rapport-de-surveillance] (Consulté le 29 avril 2021)
  6. SOCIÉTÉ CANADIENNE DU SANG. Document d’information — Analyse des dons de sang : dépistage du VIH, s. d. [https://www.blood.ca/fr/notre-sujet/ressources-pour-les-medias/vih/document-dinformation-analyse-dons-sang-depistage-du-vih] (Consulté le 29 avril 2021)
  7. FORGIE, Melissa A., Philip S. WELLS, Andreas LAUPACIS et Dean FERGUSSON pour les enquêteurs de l’International Study of Perioperative Transfusion (ISPOT). « Preoperative Autologous Donation Decreases Allogeneic Transfusion but Increases Exposure to All Red Blood Cell Transfusion: Results of a Meta-Analysis », Archives of Internal Medicine, vol. 158, no 6, 23 mars 1998, p. 610–616. [https://doi.org/10.1001/archinte.158.6.610]
  8. POPOVSKY M.A., B. WHITAKER et N.L. ARNOLD. « Severe Outcomes of Allogeneic and Autologous Blood Donation: Frequency and Characterization », Transfusion, vol. 35, no 9, septembre 1995, p. 734-737. [https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1046/j.1537-2995.1995.35996029156.x]
  9. SHANDER, Aryeh, Axel HOFMANN, James ISBISTER et Hugo VAN AKEN. « Patient Blood Management – The New Frontier ». Best Practice & Research Clinical Anaesthesiology, vol. 27, no 1; mars 2013, p. 5–10. [http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1521689613000165]
  10. YAZER, Mark H., Bryon JACKSON, Neil BECKMAN, Stuart CHESNEAU, Patrick BOWLER, Meghan DELANEY, Dana DEVINE, Stephen FIELD, Marc GERMAIN, Mike F. MURPHY, Merlyn SAYERS, Beth SHAZ, Eilat SHINAR, Minoko TAKANASHI, Ralph VASSALLO, Crispin WICKENDEN, Vered YAHALOM et Kevin LAND, au nom du collectif Biomedical Excellence for Safer Transfusions (BEST). « Changes in Blood Center Red Blood Cell Distributions in the Era of Patient Blood Management: The Trends for Collection (TFC) Study », Transfusion, vol. 56, no 8, 24 juin 2016, p. 1965–1973. [https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/trf.13696]
  11. GOUVERNEMENT DU CANADA. Estimations de la population, trimestrielles, tableau 17-10-0009-01, Ottawa, Statistique Canada, 29 avril 2021. [https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1710000901&request_locale=fr] (Consulté le 29 avril 2021)
  12. SOCIÉTÉ CANADIENNE DU SANG. Rapport annuel 2019-2020 : Adaptabilité, 2020. [https://annual2020.blood.ca/] (Consulté le 12 dec 2020)